De Piso en Piso : la location de chambres la plus inclusive
Last Updated on 9 octobre 2025 by Equipo Urbanitae
Ce qui a commencé en 2015 comme un simple groupe Facebook pour aider des étudiants à trouver une chambre est aujourd’hui devenu une plateforme qui transforme la manière de partager un logement. De Piso en Piso ne se contente pas de faciliter la location de chambres entre jeunes, principalement universitaires ; elle permet aussi à des personnes âgées de proposer un hébergement en échange de compagnie ou d’un revenu complémentaire. Parallèlement, des jeunes en situation de vulnérabilité peuvent y trouver un foyer où s’intégrer et cohabiter en toute sécurité. Dans cet entretien, Víctor Domínguez, CEO et cofondateur, nous explique comment le modèle économique a évolué, les défis du marché locatif et ses projets d’avenir.
Depuis vos débuts jusqu’à aujourd’hui, votre modèle économique a-t-il changé ? Sur quoi repose votre proposition actuelle ?
Le modèle économique a évolué à plusieurs reprises jusqu’à consolider le système actuel, le plus durable et rentable. Entre 2015 et 2017, nous travaillions avec des agences immobilières : nous leur facturions un pourcentage fixe pour publier leurs appartements entiers dans nos groupes Facebook, Instagram et WhatsApp. La formule fonctionnait si bien qu’en moins de six heures, chaque appartement publié était loué.
En 2017, nous avons franchi une étape supplémentaire en lançant le portail depisoenpiso.com. Le modèle initial était similaire à celui d’Airbnb : les utilisateurs pouvaient publier des chambres libres et, pour réserver, les intéressés devaient verser un mois de loyer à l’avance, plus 15 % de commission. Les coordonnées n’étaient partagées qu’après paiement. Cependant, le système n’a pas fonctionné comme prévu : tandis que sur Airbnb les séjours durent quelques jours, la durée moyenne chez nous était de 12 mois. Les utilisateurs voulaient visiter le logement et connaître la personne avec qui ils allaient cohabiter avant de s’engager financièrement.
En 2018, nous avons adopté un modèle freemium/premium, en vigueur à ce jour. Publier et contacter est gratuit et illimité, mais nous proposons des options payantes pour mettre les annonces en avant et accroître leur visibilité, aussi bien pour ceux qui offrent un logement que pour ceux qui en cherchent un. Le système couvre les coûts techniques, mais ne génère pas une marge suffisante pour financer la croissance.
Enfin, en 2019, nous avons entamé une nouvelle étape en tant qu’agence immobilière spécialisée dans la location par chambres. Notre modèle actuel consiste à facturer au propriétaire des frais mensuels récurrents en échange d’une gestion complète des locations : conseil fiscal et juridique, mise en état du logement, promotion, sélection des locataires, visites (présentielles ou en ligne) et résolution des incidents, qu’ils soient techniques ou liés à la cohabitation.
Grâce à notre propre portail et à une communauté active sur les réseaux sociaux, nous offrons une visibilité maximale aux chambres gérées, ce qui réduit au minimum les périodes de vacance. Ainsi, le propriétaire optimise ses revenus et le locataire accède à des prix justes dans un environnement sécurisé.
Quelles sont vos chiffres actuels : nombre de transactions à ce jour, chambres disponibles, portefeuille de locataires et de propriétaires ?
Nous gérons directement 345 chambres réparties dans 115 appartements et deux petites résidences étudiantes. Au moment de répondre à ces questions, seules 13 chambres sont disponibles, soit un taux d’occupation proche de 96 %.
Au fil des années, plus de 17 000 annonces de chambres ont été publiées sur notre portail web et environ 300 000 demandes de contact ont été générées.
« De nombreux propriétaires qui proposaient auparavant des contrats de cinq ans ont cessé de le faire »
Parlons plus en détail du concept de « cohabitation inclusive ». Comment et pourquoi cette idée est-elle née, et quel a été son développement ?
Avec la croissance de notre portail, nous avons constaté que non seulement les jeunes et les étudiants nous contactaient, mais aussi des profils en situation de vulnérabilité. Parmi eux, des familles qui recherchent de la compagnie pour leurs parents âgés en proposant une chambre, ou des jeunes qui, à leur sortie de centres d’accueil à 18 ans, bien qu’ils aient un emploi et la volonté de s’intégrer, n’obtiennent pas de logement en raison de leur situation.
Ces cas représentent une part réduite de notre activité — la majorité sont des universitaires souhaitant cohabiter avec d’autres étudiants —, mais lorsqu’ils se présentent, nous leur accordons une attention particulière afin qu’ils trouvent un espace où s’insérer.
Nous collaborons aujourd’hui activement avec les municipalités, les universités et des organisations sociales de Gérone et de Barcelone pour répondre à ces besoins.
Cela dit, il faut rester réaliste : toutes les personnes en risque ne sont pas prêtes à partager un logement. Certaines, en raison d’expériences traumatisantes, ont besoin d’un autre type d’accompagnement avant de pouvoir vivre en colocation.
Pourrions-nous connaître une « histoire de réussite » dans cette démarche ?
Parmi les nombreux succès vécus, l’un des plus représentatifs est celui d’un couple de retraités qui, malgré leur logement payé, avait du mal à boucler les fins de mois en raison d’une pension insuffisante.
Ils ont décidé d’essayer en louant deux chambres à des étudiants. L’expérience a été si positive — tant sur le plan économique que sur celui de la cohabitation — qu’ils ont rapidement adapté la maison pour en proposer une troisième. Depuis 2019, ils maintiennent ce modèle : chaque été, lorsqu’un étudiant termine ses études, un autre prend sa place.
La relation avec les locataires va au-delà de l’aspect financier. Le week-end, le couple invite souvent les étudiants à partager un plat de riz, et ils participent aussi ensemble aux activités culturelles de la ville.
Grâce à cette cohabitation, le couple non seulement parvient à finir le mois sereinement, mais bénéficie aussi de compagnie et d’un environnement quotidien enrichissant.
« Si des lois limitant la location continuent d’être adoptées, de nombreuses villes espagnoles afficheront une offre minimale face à une demande débordante »
La tension sur le marché de la location est devenue un sujet de débat politique et l’un des principaux problèmes des citoyens dans de nombreuses villes. En tant qu’experts, comment ce débat devrait-il être abordé ?
Le problème est évident : la demande dépasse largement l’offre, et il s’agit d’une situation multifactorielle qui exige des solutions diverses et complémentaires. Il est difficile d’anticiper quelles mesures seront les plus efficaces, mais nous savons laquelle ne l’a pas été : l’actuelle loi 12/2023 du 24 mai, relative au droit au logement. Cette réglementation a sérieusement affecté le marché de la location traditionnelle.
De nombreux propriétaires qui proposaient auparavant des contrats de cinq ans ont cessé de le faire. Ils ont opté à la place pour la location temporaire ou par chambres, car, avec les prix fixés par le ministère, ils ne jugent pas viable d’assumer coûts et risques.
Ne nous trompons pas : interdire la location temporaire et la location de chambres, comme l’envisage le Gouvernement de Catalogne, ne fera pas revenir les propriétaires vers le modèle traditionnel. La conséquence la plus probable sera que beaucoup vendront leurs biens, réduisant encore davantage l’offre disponible.
Comment voyez-vous l’avenir à long terme de la location de logements en Espagne ?
Si des lois continuent d’être adoptées pour limiter plutôt que favoriser la location, de nombreuses villes espagnoles afficheront une offre minimale face à une demande débordante, à l’image de ce qui se passe dans d’autres grandes capitales européennes. Dans ce scénario, trouver un logement à louer sera pratiquement impossible, car il y aura énormément de candidats pour très peu de logements disponibles.
Et quels sont les projets les plus immédiats et futurs de De Piso en Piso ?
Même si cela peut paraître cliché, notre objectif est d’intégrer l’intelligence artificielle au processus de recherche de chambres. L’idée est que, en indiquant simplement son profil et ses besoins, chaque utilisateur reçoive des recommandations personnalisées du logement le plus adapté.
Cela dit, nous parlons de cohabitations longues, pas de séjours courts. Il est donc indispensable d’affiner la technologie et de la développer avec une grande précision : le logement que l’IA suggérera sera, dans bien des cas, l’endroit où la personne vivra pendant des mois ; il doit donc être le bon et exempt d’erreurs.