Voici les 12 mesures du gouvernement pour améliorer l’accès au logement en Espagne
L’accès au logement est l’un des grands défis actuels en Espagne. Le marché immobilier est en situation de forte tension en raison d’un important déficit de logements par rapport au niveau de la demande actuelle, avec une construction de logements neufs qui ne parvient pas à répondre à la demande générée par la croissance notable de la population et des ménages en Espagne, particulièrement au cours des trois dernières années.
Des facteurs tels que la hausse des coûts de construction, l’augmentation des taux d’intérêt hypothécaires, le manque de terrains constructibles et les obstacles administratifs au développement de nouveaux projets ont contribué à accroître la difficulté d’accès à des logements abordables. De plus, le marché de la location continue de subir une forte hausse des prix en raison du déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, surtout dans les zones tendues comme Madrid ou Barcelone.
La question est au cœur de l’agenda politique, et le logement est devenu l’un des sujets principaux et les plus débattus. Les différents partis ont proposé des mesures pour garantir un accès plus abordable, en mettant particulièrement l’accent sur la population jeune. Dans ce contexte, le gouvernement espagnol, dirigé par Pedro Sánchez, a présenté un ensemble de 12 mesures visant à alléger la crise du logement et à équilibrer le marché. Chez Urbanitae, nous avons analysé en détail chacune de ces initiatives :
1. Transfert de logements et de terrains à l’Entreprise Publique de Logement
Cette mesure vise à augmenter le parc de logements publics destinés à la location sociale. Avec le transfert de plus de 3 300 logements et deux millions de mètres carrés de terrains, l’objectif est de garantir un accès plus abordable au logement et de promouvoir la construction de nouveaux immeubles à des fins sociales.
À propos de cette mesure, José María Gómez-Acebo, directeur des Clients Institutionnels chez Urbanitae, considère que « les mécanismes de collaboration public-privé sont essentiels, car les budgets publics à eux seuls ne pourront pas répondre au niveau d’investissement requis. Le succès de cette collaboration exigera que la fixation des prix et des coûts soit réaliste, pour que le secteur privé investisse dans un environnement juridiquement sécurisé avec une garantie suffisante de récupération de son investissement.«
2. Intégration de logements de la Sareb (ou banque de défaisance)
La gestion de 13 000 logements, qui feront immédiatement partie du parc public, ainsi que 17 000 autres prévus, vise à augmenter significativement l’offre de locations sociales. Cette initiative cherche à exploiter les actifs détenus par la Sareb pour répondre à la forte demande de logements abordables.
3. Priorité à l’acquisition de terrains et de logements
L’entreprise publique de logement bénéficiera d’une priorité d’achat pour les terrains et les logements, dans le but de faciliter une gestion stratégique et agile pour développer des projets de logements destinés à la location abordable, en favorisant une utilisation efficiente des ressources.
4. Réforme de la loi foncière
Cette réforme vise à éliminer les obstacles administratifs et bureaucratiques pour accélérer la promotion de logements. La mesure entend accélérer la construction de nouveaux immeubles pour répondre à la demande croissante, notamment dans les zones de forte tension immobilière. « Il est important de rappeler l’importance de la diligence et de l’agilité dans le traitement des permis : 12 mois de retard dans l’octroi d’une licence augmentent le coût du logement d’environ 5 %, car l’acheteur du terrain exige un rendement plus élevé pour son capital, » souligne Gómez-Acebo.
5. Lancement d’un PERTE pour la construction modulaire
Ce Projet Stratégique pour la Relance et la Transformation Économique (PERTE) vise à promouvoir la construction modulaire et industrialisée, une alternative plus rapide et économique aux méthodes traditionnelles, permettant de réduire significativement les délais de construction et les coûts associés. Un PERTE qu’ils envisagent de centraliser à Valence, avec l’objectif de dynamiser le tissu économique des zones touchées par la DANA. Gómez-Acebo apprécie cette mesure, qu’il considère « allant dans la bonne direction. Le coût de construction des logements a considérablement augmenté après la crise des chaînes d’approvisionnement déclenchée par la guerre en Ukraine ; à la forte hausse des prix des matériaux, qui ne s’est pas inversée, s’ajoute un manque inquiétant de main-d’œuvre dans le secteur de la construction, une situation qui s’aggravera lorsque davantage de logements seront mis en charge. Par conséquent, la construction modulaire et industrialisée est la voie pour construire plus vite et à moindre coût, en palliant l’absence croissante de professionnels et de métiers du bâtiment.«
6. Réhabilitation de logements vacants pour une location abordable
Cette initiative vise à revitaliser le parc de logements inoccupés et à les allouer à la location abordable pour au moins cinq ans. Des programmes de réhabilitation seront mis en place pour améliorer la qualité des logements tout en augmentant l’offre disponible.
7. Exonération fiscale de 100 % sur l’impôt sur le revenu pour certains loyers
Avec cette mesure, le gouvernement vise à inciter les propriétaires à proposer des loyers à des prix raisonnables, en ligne avec l’indice des prix de référence de la loi sur le logement. Cette exonération cherche à équilibrer le marché locatif et à protéger les locataires contre les prix abusifs.
8. Limitation à l’achat de logements par des étrangers non résidents
Pour freiner ce que le gouvernement considère comme de la spéculation immobilière, des restrictions sont mises en place pour que les étrangers non résidents ne puissent pas acquérir de biens immobiliers dans certaines zones tendues, en donnant la priorité à l’accès des citoyens locaux.
À cet égard, José María Gómez-Acebo souligne une inégalité frappante dans le traitement fiscal dans ce domaine : « La fiscalité pour un acheteur étranger qui achète une résidence secondaire en Espagne est essentiellement la même que pour un acheteur espagnol de résidence principale, malgré le fait qu’il s’agit d’un bien de première nécessité.«
9. Protection des logements sociaux de propriété publique
Cette mesure vise à garantir que les logements sociaux restent dans le domaine public et ne soient pas vendus sur le marché libre, assurant leur disponibilité en tant que ressource pour les personnes en ayant le plus besoin à long terme.
10. Considération des logements touristiques comme une activité économique soumise à la TVA
En classant la location touristique comme une activité économique soumise à la TVA, le gouvernement cherche à équilibrer le marché immobilier, en incitant à un usage résidentiel plutôt que touristique et en régulant cette pratique qui affecte la disponibilité des logements habituels.
11. Conditionnement des avantages fiscaux des SOCIMIs
Les SOCIMIs, entités clés du marché locatif, devront se conformer à de nouveaux critères les obligeant à promouvoir des locations abordables si elles souhaitent conserver leurs avantages fiscaux. Certains acteurs du secteur ont accueilli cette mesure comme une « sanction » pour les SOCIMIs axées sur le résidentiel, bien qu’il soit admis que le coup aurait pu être plus sévère, car il n’affecte pas les entités qui se consacrent à d’autres actifs comme les centres de données, les bureaux ou la logistique, qui sont majoritaires.
12. Nouveau Plan National de Logement
Prévu pour 2026, ce plan privilégiera les groupes vulnérables, les jeunes et les personnes âgées, en offrant des aides adaptées à leurs besoins et conditions. Il vise à relever les défis structurels du marché immobilier, en favorisant l’inclusion et l’accessibilité.
Ces mesures représentent un effort global pour faire face à la crise du logement en Espagne. Cependant, selon l’expert d’Urbanitae, « il est nécessaire de concentrer les efforts sur l’augmentation du parc de logements dans les principaux pôles de demande, en accordant une plus grande agilité administrative pour fabriquer des terrains à usage résidentiel, accorder des permis plus rapidement et réduire les obstacles au système financier (banques et alternatives) pour qu’il accompagne avec des ressources économiques la quantité importante de logements à construire ; et pour que les acheteurs puissent accéder à l’achat, une autre mesure pourrait être de réduire les impôts pour l’achat de la première résidence.«