Les bâtiments en Espagne doublent leurs changements d’usage en 2024
Last Updated on 7 mai 2025 by Urbanitae
Le secteur immobilier en Espagne traverse actuellement une période très dynamique à tous les niveaux. Le contexte macroéconomique et la baisse des taux d’intérêt ont entraîné une reprise des opérations immobilières, avec des perspectives de poursuite de cette tendance à la hausse en 2025. Cela dit, tout dépendra de ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique : le début du second mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche a bouleversé (et promet de continuer à bouleverser) l’économie ; son annonce de droits de douane généralisés a été un choc pour les marchés boursiers, et il reste à voir dans quelle mesure ces mesures pourraient entraîner une situation inflationniste à l’échelle mondiale.
Dans ce contexte, l’immobilier continue d’être considéré comme une valeur refuge pour l’investissement. Cependant, la rareté du foncier disponible pour de nouvelles constructions met en lumière la nécessité de réorganiser les bâtiments existants et de leur offrir une seconde vie, devenant ainsi une nouvelle tendance dans le secteur.
Ainsi, selon un rapport récent de CBRE, la reconversion des bâtiments a doublé son activité en 2024, passant de près de 30 opérations annuelles à 70. Ce même rapport évalue le montant total de ces opérations à 900 millions d’euros, illustrant le poids économique de ces reconversions dans le secteur. Un autre chiffre révélateur : les 70 changements d’usage réalisés en 2024 représentent une surface totale de 390 000 mètres carrés, soit l’équivalent de 55 terrains de football.
Le secteur du “living” en plein essor dans l’immobilier espagnol
La hausse de la demande touristique et résidentielle dans le pays, notamment la seconde liée à un manque d’offre, a été le principal moteur de l’augmentation des cas de reconversion. Sur l’ensemble des transformations, 45 % ont été destinées au secteur du “living”, qui englobe les logements et nouvelles formes d’habitat comme le coliving ou le flex living.
De son côté, le secteur hôtelier représente 34 % du total, avec une prédominance des transformations en établissements de luxe. Le podium est complété par les secteurs alternatifs (15 %), principalement grâce au segment de la santé, qui inclut hôpitaux et maisons de retraite. Cette croissance s’est faite au détriment du segment des bureaux : en effet, 60 % des opérations concernaient initialement des bureaux, et parmi les dix plus grandes reconversions de l’année, neuf ont concerné une transformation de bureaux vers un autre usage.
Par région, Madrid a concentré 60 % de toutes les opérations, s’imposant comme la localisation la plus forte au niveau national, avec une prédominance dans la reconversion des bureaux (83 %). Toutefois, malgré sa puissance, la capitale a perdu 14 % par rapport à 2023, au profit d’autres provinces comme Malaga ou Barcelone, qui ont multiplié leurs reconversions l’an dernier. Séville, Alicante, Huelva, Saragosse ou Bilbao sont également à noter.
Près d’un milliard d’euros d’investissement
En 2024, plus de la moitié des reconversions immobilières ont impliqué des investissements dépassant les 900 millions d’euros, soit près du triple par rapport à 2023. Cette progression reflète une forte croissance comparée au marché immobilier général en Espagne.
Le secteur du “living” s’est imposé comme le principal bénéficiaire des investissements de ces reconversions (74 %), tandis que les bureaux constituaient l’usage initial le plus courant (81 %). Ces données coïncident avec l’European Investor Survey 2025 de CBRE, qui place le “living” en tête des secteurs d’investissement en Europe.
En termes de localisation, Madrid a capté 85 % du volume total, suivie de Barcelone (10 %) et d’autres régions (5 %). L’opération la plus remarquable a été l’achat d’un bâtiment situé au 50 de la rue María de Molina, destiné à des appartements de luxe et une résidence étudiante, pour plus de 200 millions d’euros. Néanmoins, plus de 70 % des opérations étaient inférieures à 20 millions, ce qui indique une concentration sur les actifs de taille moyenne et les “midcaps”.
Facteurs moteurs de cette tendance
La reconversion des bâtiments a gagné du terrain grâce à une combinaison de facteurs économiques, sociaux et réglementaires. D’une part, la rareté du foncier urbain dans les principaux centres a incité promoteurs et investisseurs à se tourner vers des actifs existants à fort potentiel de transformation.
À cela s’ajoute la pression pour adapter le parc immobilier aux critères de durabilité et d’efficacité énergétique, ce qui fait de la réhabilitation et du changement d’usage une alternative plus viable que la construction neuve. Par ailleurs, les évolutions des modes de vie et de travail, comme le télétravail ou la demande croissante pour des solutions résidentielles flexibles, ont alimenté l’intérêt pour des typologies d’habitat innovantes. Enfin, l’action des administrations publiques, via des incitations fiscales et une réglementation plus souple dans certaines villes, a facilité et accéléré ce type d’opérations.
Défis et considérations
Cependant, cet essor des reconversions soulève également d’importants défis. La complexité juridique et technique de l’adaptation d’un bâtiment à un usage différent de l’original peut entraîner des coûts élevés et des délais d’exécution longs. De plus, des aspects tels que la réglementation urbanistique, la protection du patrimoine historique ou la mise à jour des infrastructures de base nécessitent souvent un processus d’analyse et de gestion rigoureux. D’un autre côté, la viabilité économique n’est pas toujours assurée, surtout dans des zones à faible demande ou dans des projets de grande envergure nécessitant un investissement initial conséquent.
Un autre aspect clé dans l’immobilier espagnol est l’acceptation sociale du nouvel usage, en particulier lorsque le tissu urbain est transformé et que la cohabitation de voisinage est affectée. Dans ce contexte, le succès des reconversions dépendra largement d’une planification stratégique solide, d’une collaboration public-privé efficace, et d’une vision à long terme axée sur la durabilité et la cohésion urbaine.
Qu’est-ce qui alimente cette croissance ?
Le manque de terrain constructible dans les centres-villes a engendré un problème à grande échelle dans tout le pays. Cela provoque une hausse des prix dans ces zones et une pénurie d’offre face à une forte demande.
Depuis la pandémie, un modèle de télétravail s’est instauré structurellement, offrant une plus grande flexibilité aux travailleurs, mais marquant également un tournant pour les entreprises, qui payaient pour des bureaux devenus vides. Dès lors, nombreuses sont les organisations qui ont décidé de s’en séparer ou de déménager, laissant ces espaces vacants pour répondre aux nouvelles exigences du marché, modifiant ainsi de manière significative le secteur immobilier en Espagne.